vendredi 6 janvier 2012

Un an plus tard

Il y a un an, je quittais Dakar. Il s'en est passé des choses depuis.

Khadafi, qui était venu en décembre 2010 distribuer des billets de 100 dollars, est mort moins d'un an plus tard sous les coups d'un Printemps arabe que personne n'a vu venir. Gbagbo, dont les collègues ivoiriens nous avaient informé en quasi-temps réel de sa non-réélection, a finalement dû déposer les armes après six mois de guerre civile. Le Président Wade semble parti pour se représenter en dépit du fait qu'il a atteint la limite de deux mandats. Ca va chauffer en février prochain s'il gagne. Ben Ali, Ben Laden, Moubarak (entre autres) sont morts ou quasi, mais tout ça c'est l'Afrique sans vraiment l'être.

Côté business, c'est aussi l'hécatombe: au QG Christine Boutin, la grande cheffe qui m'avait offert l'aventure sur un plateau, s'est fait virer sans que personne (y compris elle-même apparemment) ne sache trop pourquoi. Le Caniche, son bras droit, a démissionné, et Willy le Huileux, son second à elle, s'est vu offert une promotion à l'autre bout du monde. Dernier geste de Boutin avant son départ: ils ont tous deux reçu un splendide bonus pour les services rendus sur un continent où ils n'auront jamais mis les pieds (j'ai pour ma part eu droit à... un stylo). 

A Dakar, le Bouledogue (le grand chef local) ne s'est pas fait virer, n'a pas été promu non plus, mais a bien été envoyé au bout du monde lui aussi avec instruction de ne plus toucher à rien et ne plus faire entendre parler de lui. Quand il est parti, le placard était tellement plein de squelettes que son successeur a failli s'y faire enfouir. Tout le monde parle du fait que Gloria Gaynor devrait se faire virer vu qu'elle ne fout rien et ne s'en cache pas mais, miracle de la nature, elle à survécu jusqu'à présent. Pas mal de liquidations changements dans les seconds couteaux du bureau aussi, mais Deng Xiaoping et l'Oncle Ben's vont bien, c'est l'essentiel.

La Voisine m'a quitté après deux mois de relation à longue distance, mais je plaide coupable d'un manque d'attention chronique. J'ai appris quelques semaines plus tard qu'elle sortait avec un aviateur. C'est l'autre petite copine de l'aviateur qui me l'a dit.

De mon côté le retour au bercail s'est bien passé mais, bizarrement, tout ça me manque. J'ai revu une fois la fille des RH - dans l'ambiance compassée du QG on n'avait rien à se dire, c'était tragique. J'ai demandé ma mutation, en précisant que même le Pakistan (au mieux, mais au pire "n'importe où sauf avec Pat Robertson") me paraissait une bonne idée. On verra ce que ça donne, mais si ça marche le blog reprendra probablement vie. En attendant, j'ai monté une filière de contrebande de café touba avec l'Oncle Ben's pour assouvir ma dépendance: il me restera au moins quelque chose de tout ça.

lundi 10 janvier 2011

Un dernier pour la route

C'est ma dernière semaine et, bizarrement, je regarde tous ces petits trucs du quotidien sénégalais avec un autre oeil: c'est la dernière fois que je les vois, ou les vis. En tout cas pour le futur prévisible.

Ca fait une semaine que je dors la fenêtre ouverte pour mieux entendre le ressac de la mer au pied de la maison: ma dernière nuit est courte et agitée. J'ai eu ce matin en me brossant les dents dans le noir conscience de mon dernier délestage électrique (quoique celui-là j'y croirai quand j'aurai décollé). J'ai pris, sur le chemin du boulot, l'un de mes derniers cafés touba, que j'ai savouré en discutant, pour la dernière fois, avec mon copain le boutiquier qui s'appelle Ismaël mais n'a pas lu Moby Dick.

J'ai mangé ce midi mon dernier thiéboudiène - sans être le meilleur ni le pire il avait une petite amertume au goût; mais pour 1'000 CFA on ne va pas se plaindre. En plus je crois que la patronne m'a fait payer trop cher: c'est probablement la dernière fois qu'on essaie de m'arnaquer parce que je suis un toubab.

Le soir, dernier repas avec Deng Xiaoping et l'Oncle Bens. On s'amuse, on se remémore les conneries qu'on a faites, ou dites, ou vues. Sur la route de l'aéroport, on s'arrête encore pour boire un dernier verre avec Deng. Tandis que mon dernier cafard gambade sur le parquet à nos pieds, je regarde autour de moi la rue qui vibre et je me dis "merde, c'est la dernière fois que je vois tout ça avant longtemps".

jeudi 6 janvier 2011

Mégalocrature

La démocrature, c'est ce concept essentiellement africain (qui n'est pas de moi, je l'ai lu dans Le Monde) où le dictateur sort vainqueur des urnes qu'il a lui-même bourrées lors d'élections où l'opposition est pourtant vaguement autorisée à présenter quelque chose. C'est le cas par exemple en Gambie, au Togo, en RDC et plus ou moins en Côte d'Ivoire (affaire à suivre dans ce cas).

La Mégalocrature, c'est quand en plus le gars croit vraiment à ce qu'il fait. Par exemple au Sénégal. Je suis tombé l'autre jour sur cette banderole, suspendue aux grilles du Palais présidentiel:
De gauche à droite: King, Mandela, Mbeki, Obama et Wade.
Bon, je ne vais pas jouer à Arrêt sur images, mais c'est vrai que l'on peut se demander pourquoi Mbeki (le gars qui ne croit pas au Sida) est au centre. Ou pourquoi Wade, élu 7 ans avant Obama, est en fin de la "Longue marche".

En tout cas l'important c'est d'y croire, hein. D'après Wikileaks, le Vieux cherche aussi à tout prix à obtenir le Nobel.

mardi 4 janvier 2011

On est avec toi

Ah tiens, ça faisait longtemps: je viens de recevoir un message des ressources humaines à propos de mon retour prochain:
Bonjour Jean-François,
Veuillez trouver ci-dessous quelques informations/conseils vis-à-vis de votre rapatriation:
1. Veuillez réserver votre billet de retour vous-même;
2. Merci d'annuler vous-même toutes les formations prévues sur place et que vous n'auriez pas encore effectuées. N'oubliez pas de rendre votre ordinateur avant de partir.
Si vous avez des questions sur tous ces trucs que vous devez faire vous-même, hésitez à me contacter.
Tout de bon,
HR-girl
On me soutiendra décidément jusqu'au bout.

mardi 28 décembre 2010

Le temps c'est de l'argent

La pire chose qui puisse arriver ici dans vos relations avec la police, c'est d'être blanc et pressé. Malheureusement pour moi, cette semaine, j'étais pressé (en plus d'être blanc).

Un policier sénégalais, me dit-on, touche dans les 200 dollars par mois. C'est beaucoup pour certains ici mais, dans l'absolu, c'est peu. Dès lors, dès que vous commettez une infraction (ou conduisez comme si vous pouviez avoir commis une infraction), une opportunité s'ouvre au Pandore pour arrondir son début, son milieu, voire sa fin de mois.

Il est important de relever que le policier reste, dans sa corruption, honnête: il vous laisse le choix. Soit vous lui laissez votre permis de conduire et devez le récupérer le lendemain au poste en payant très officiellement votre amende au poste, soit vous discutez d'un réglement amiable sur place et dans l'instant. Vous pouvez aussi rester à discuter de ce que la faute de conduite n'est pas avérée ou que le prix de l'amende est trop élevé ou la confiscation du permis exagérée, mais il faut du temps. L'agent de police est, lui, là tous les jours, toute la journée - la discussion est donc une distraction comme une autre, et du temps il en a plein, en tout cas plus que vous qui, d'un autre côté, êtes blanc. Et pressé (ou chauffeur de bus sénégalais et donc également pressé).

J'étais, ce jour-là, très pressé. On me demande 18'000 CFA (soit 36 dollars US, et trois fois le prix d'une amende normale). J'avais il est vrai grillé à peu près tout ce qu'on peut imaginer comme règle du code de la route sur les 200 kms précédents, mais ce n'est pas une raison, on ne m'avait pas vu. Quoiqu'il en soit, j'étais sacrément pressé et je n'avais vraiment, vraiment pas le temps de discuter (et en plus je déteste négocier). Plaidant l'absence de petite monnaie, j'ai quand même dit qu'en tout état de cause je ne pourrais jamais payer que 15'000 et j'espèrais que ce brave représentant de la force publique saurait trouver une solution à mon dilemne.

L'agent m'a souri et j'étais reparti dans la minute.

Ce qui m'embête dans tout cela, ce n'est pas tant le coût (tant pis pour moi) que le fait que j'ai dû céder, après 7 mois, à mon premier maître-chanteur (c'était ma 6e "interaction"). Le sel sur la plaie, c'est que trois jours plus tôt j'avais fait la morale à la Voisine sur le fait que jouer le jeu du corrompu, c'est pas bien. Ca fait toujours mal de devoir mettre à mort soi-même ses grands principes (insulte supplémentaire: elle s'en était sortie pour 5'000 CFA).

Le lendemain, au retour, on me demande à nouveau de m'arrêter. Mais là j'avais le temps. Et des chocolats, que j'ai donnés sans trop y penser aux petits talibés qui mendiaient autour du policier (Jean-François de Galaup n'aime pas le chocolat, personne n'est parfait). Que ce soit cela ou la discussion, toujours est-il qu'après un quart d'heure le pandore me lance un magnanime "Je vous gracie". Je suis reparti sans soucis.

dimanche 26 décembre 2010

Le Galaxie

Impossible d'aimer le Thieb sans aller voir sa mère patrie, là où, d'après les légendes, il serait né: Saint-Louis, ex-capitale de l'AOF, maison du thiéboudiène pemba mbaye.

Le temps passe, mon séjour touchera à sa fin plus vite que prévu, il est donc temps d'aller explorer cette Mecque du bon goût et du temps heureux des colonies. A peine débarqué dans la ville (charmante mais sans plus, l'UNESCO classe vraiment tout et n'importe quoi de nos jours), je demande où se trouve le meilleurs thieb du quartier. On me propose le Galaxie, à deux pas.

Aussitôt dit, aussitôt testé.

Je ne ferai pas dans le lyrique - comme la ville, ça se résume un peu à un "bien mais pas top". Un peu de tout ce qu'il faut, certes, et pour changer un riz épicé. Mais sorti de cela, pas de quoi casser trois pattes à un canard. En l'absence de sauce boulettes, j'ai l'impression ici qu'on se fout un peu de ma gueule de touriste.

Bref, vous venez à Saint-Louis pour la ville et son thieb, vous ne reviendrez probablement pas pour ça mais pour sa réserve du Djoudj. Les phacochères et autres pélicans m'ont toujours laissés froid, mais c'est vrai que quand 7'000 de ces derniers prennent leur envol autour de vous, ca vaut son pesant de, euh, thiéboudiène.

Le Galaxie
Rue Abdoulaye Seck x Bouffers
Tél. : 33 961 2468 - 77 553 4906
Ouvert 7/7 de 11h à 15h et 19h à 23h

jeudi 23 décembre 2010

FesMAN

Ladite Républuque se trouve au Nord du Sunugal.
Le Festival mondial des Arts nègres (Fesman pour les intimes), c'est le joujou du Prez' pour décembre 2010. En fait c'était prévu pour 2009, mais l'organisation était tellement bancale qu'on a repoussé le truc d'un an et que l'organisation nouvelle formule a été confiée... à la fille du Chef. Jusque là rien de (trop) nouveau pour le pays, qui a déjà vu le fils dudit Chef bombardé quadruple ministre il y a quelques mois.

Les choses sont devenues plus intéressantes quand, le Fesman démarré, on s'est aperçu que les artistes n'étaient pas payés, parfois annoncés mais pas invités(!), les lieux de concerts pas prêts ou pas réservés. Côté succès populaire, je suis passé voir je ne sais plus quel truc, j'étais tellement tout seul que j'ai d'abord cru que c'était fermé.

Pour un petit bijou à 53 milliards de CFA (100 et quelques millions de dollars), ça fait désordre.

Ce que le bon peuple ignore, et que nous a confié un pote au gouvernement, c'est qu'il manque 80 milliards dans les caisses pour couvrir les importations de fuel de l'an prochain. Le fuel qui permet de produire de l'électricité dont on manque tant. En clair: il y a du courant jusqu'en juin. Après, on sait pas.

Mais au moins l'année se sera terminée sur une belle fête.

mardi 21 décembre 2010

Grand chelem

C'est ma semaine magique: après le thieb d'hier, je suis invité ce midi par une collègue à manger au Ngor Surfeur. Le plat du jour, figurez-vous, c'était du thiéboudiène. Et même si je l'avais déjà essayé, j'en ai bien sûr pris.

Puis le soir, chez la Voisine, sa femme de ménage lui avait préparé... un bon thieb. Je suis bien élevé et je mange ce qu'on me donne: j'en ai bien sûr pris.

Par contre là j'admets qu'après trois thiebs en deux jours, je me sens un peu balloné.

lundi 20 décembre 2010

Chez Loutcha

J'étais tranquille dans mon hall d'aéroport, ne demandant rien à personne, même pas à l'Oncle Ben's qui était à mes côtés. Puis débarque un vieux qui, comme tous les vieux, engage la conversation avec le premier voisin qui lui tombe sous la main.

Coup de bol, ce n'était pas moi.

Le Vieux commence donc à raconter à son voisin sénégalais, qui a la moitié de son âge, que ça fait 30 ans qu'il vit au Sénégal (ou en Espagne? Je sais plus), et patati, et patata. Ca fait trente ans, et il y a un truc qui vraiment, au Sénégal, le fait tripper:

C'est le thiéboudiène.

Je tends l'oreille et j'écoute.

"Le meilleur thieb que je connais, c'est chez Loutcha".

Quarante-huit heures à peine après cette rencontre j'étais attablé dans l'estaminet sus-cité.

Chez Loutcha, on m'en avait déjà parlé car c'est apparemment LE restau cap-verdien de référence à Dakar. En fait, vu la taille et la variété du menu (280 pages sans la couverture, au moins), on pourrait difficilement lui attribuer une origine géographique. Le menu comporte en tout cas une page entière dédiée au roi des plats sénégalais: pour 3'300 CFA, je relève le défi et en commande un.

L'ambiance est sympa et la portion aussi énorme que les plafonds de la salle sont haut (8m, au moins, on se croirait dans une chapelle ou un entrepôt réhabilités). Un service tellement copieux qu'il arrive carrément dans un plat plutot qu'une assiette (et je suis pourtant seul). On ne m'y sert pas un morceau de poisson, mais tout un poisson.

Et il y a plein de légumes. Et du beugueudj (une sauce à l'oseille, servie sur le côté). Et c'est bon. Et je suis content. Et je me dis que s'il avait été servi un peu moins tiède, ç'aurait probablement été le meilleur thieb de Dakar. Ne chipotons pas: c'est, à date, le meilleur thieb que je connaisse à Dakar.

Moralité: écoutez les vieux, ils savent des choses. Espionnez la conversation des autres, vous apprendrez des trucs intéressants.


Chez Loutcha
101 rue Moussé Diop (au coin du CCF)
Tél: 33 821 0302
Ouvert lundi-samedi, 12-15h, 19-23h

vendredi 17 décembre 2010

Clichés

Conférence avec des collègues des autres régions, bilan sur l'année écoulée et autres conneries où l'on transforme les échecs en succès, tout en évitant de parler des attentes irréalistes du management. Les muets parlent aux sourds, mais dans une ambiance plutôt détendue: on a même droit à la soirée karaoké.

Et puis au cours de l'un de ces dîners sympathiques qui doivent nous permettre d'échanger de manière amicale sur des sujets autres que strictement professionnels, on m'interroge -forcément- sur la vie au Sénégal.

Après avoir débuté la conversation en me demandant si le Sénégal était loin de la Zambie mon interlocutrice, dont nous protègerons l'anonymat en la désignant sous le sobriquet générique de "la pute russe" (mêmes fringues trop courtes des années 80, mêmes grands yeux bleus et corps sublime, même dandinement face à tout ce qui peut appartenir à la hiérarchie), s'écrie en apprenant l'emplacement de mes quartiers, face au vaste océan: "Oh my God, you have the sea in Dakar? That is so nice!"

C'est à partir de cet instant que l'Oncle Ben's et son comparse de la soirée Louis de Funès ont commencé à jurer leurs grands dieux que j'avais vraiment eu une monstre touche et que j'étais bête de ne pas la raccompagner après la soirée.

Sur ces entrefaits, un troisième larron s'incruste dans la conversation, larron dont nous protègerons l'anonymat en le désignant sous le sobriquet générique de "proxénète yougo". Celui-ci commence un interrogatoire discret mais consistant sur la gent féminine dakaroise, s'inquiétant de savoir si les filles y étaient faciles, s'il y avait beaucoup de sida, et si les filles y étaient faciles. Il a plus tard posé un peu les mêmes questions (surtout sur le sida) à l'Oncle Ben's. Puis il a quitté la table, allant demander à une collègue qui passait "quelle était exactement la nature de sa relation avec son mari" (je n'ai pas entendu la réponse, mais je ne crois pas qu'elle était encourageante).

Je n'ai rien contre ces meetings où l'ont se retrouve entre collègues et aux frais de la princesse, mais j'aurais des fois envies qu'on fasse une petite sélection à l'entrée.

jeudi 16 décembre 2010

Déjà vu

Je suis parti jeudi sur une énième coupure d'eau dans mes quartiers: sachons raison garder, je ne suis quand même pas trop à plaindre vu mon immense appart qui fait face à la mer. De l'eau il y en a donc, c'est juste pas toujours celle qu'on veut (et ça n'arrive pas tous les jours non plus).

Je suis rentré hier soir et il n'y avait pas d'électricité. L'électricien m'a demandé ce matin "un petit quelque chose" pour corriger le mauvais branchement qu'il avait fait par erreur en mon absence.

Je sens comme une certaine routine qui s'installe.

mercredi 15 décembre 2010

On a les amis qu'on peut

On n'est jamais déçu que par ses amis: le pays de la Teranga vient de se fâcher très officiellement avec son copain l'Iran, après l'interception au Nigeria en octobre d'une cargaison d'armes lourdes (dont des canons anti-aériens!) à destination des rebelles de Casamance. Ils ont fait fort: l'adresse de livraison était l'adresse personnelle du président gambien! Du coup celui-ci a rompu ses relations diplomatiques avec les ayatollahs.

Le mollah des Affaires étrangères est arrivé en quatrième vitesse à Dakar dimanche pour expliquer qu'il s'agissait d'un énorme malentendu, mais a appris pendant son séjour ici qu'il était viré (on voudrait l'inventer qu'on n'oserait pas). Du coup, notre ambass' là-bas a été rappelé.

Il semble que les Iraniens, outre une usine automobile, avaient aussi promis de livrer du pétrole pas cher - et visiblement ils ont voulu passer directement à l'étape suivante en foutant le feu.

A l'inverse, Khadafi est de passage pour le Fesman (le Festival mondial des arts nègres), et a fait venir hier à sa tente tous les mendiants du quartier pour leur distribuer des billets de 100 dollars. Et ah, oui, il a aussi réclamé la création d'une armée africaine d'un million de soldats pour protéger le continent des impérialistes.

De notre côté, on a appris dans le journal qu'un ministre de la région avec qui on avait perdu notre temps de manière très cordiale a fini par démissionner: apparemment certains de ses protégés au ministère avaient pour habitude de faire livrer les équipements chez eux - ça a fini par faire désordre.

Il faudrait que j'achète plus souvent les journaux locaux, il y a vraiment de quoi passer de bons moments.

mardi 14 décembre 2010

A table

Demain soir c'est la Tamkharit, nouvel an (lunaire) musulman: Deng Xiaoping a pour l'occasion déjà sacrifié non pas un mouton mais un boeuf, qu'il partage avec amis, parents et alliés.

Du coup, j'ai cinq kilos de barbaque sanglante qui m'attendaient ce matin dans un sac plastique sur mon bureau.

Barbecue anyone?

lundi 13 décembre 2010

Family business

Immense déception ce vendredi: la rumeur avait circulé que, pour fêter l'ouverture du Festival mondial des Arts nègres (le "Fesman" comme on dit ici) organisé par sa fille, notre bien-aîmé président s'apprêtait à déclarer la journée fériée. Las! Rien de tout cela, on a donc du aller bosser.

Petite consolation tout de même: le Sénégal (et son Président, et sa famille) a eu les honneurs des désormais inévitables wikileaks.

J'avoue avoir un nouveau respect pour la diplomatie américaine: ils ont écrit des trucs que j'ai instruction claire et ferme de garder pour moi ou pour la voie orale, s'il me prenait jamais la folle envie de les communiquer à mon management.

On apprend donc que l'ambass' est allée voir le vieux pour lui dire que s'il ne faisait rien contre la corruption, il pouvait se gratter pour toucher les 500 millions du Millenium challenge account. Qu'il a répondu qu'"aucun cas de corruption n'a été récemment porté devant la justice" (ergo qu'il n'y a pas de corruption?), mais qu'il ferait quelque chose quand même (commentaire de la diplomate: il "va louvoyer entre des mesures et la poursuite de l'autorisation donnée à ceux qui sont habitués à se servir dans les caisses du gouvernement de le faire, afin de s'assurer que leur loyauté demeure intacte").

Bon exemple, on apprend ainsi les conditions du financement de la statue de la Renaissance africaine - 26 millions d'euros payés par un allié du Prez' à une socièté nord-coréenne, et remboursés par une cession à vil prix d'actifs immobiliers.

Ce qui m'a fait le plus marrer, c'est le sobriquet du fils Karim, Ministre d'État en charge de l'énergie, des transports (il est d'ailleurs patron de la toute nouvelle Sénégal Airlines), et deux autres ministères dont j'ai perdu le nom: désormais, c'est Monsieur 15%, alors qu'avant la réélection de son père en 2007 il n'était apparemment "que" Monsieur 10%.

mardi 7 décembre 2010

Evidence

C'est au détour d'une conversation avec l'Oncle Ben's hier soir qu'il m'a fait remarquer une évidence: le président Wade est Fantomas:


Trop fou.

lundi 6 décembre 2010

Payback time

J'ai annoncé la nouvelle de mon retour forcé à Deng Xiaoping, qui l'a pris avec philosophie: "On vient de gagner notre doctorat en politique."

Première conséquence: vu que c'est la fin de l'année et qu'on doit formaliser le décompte des vacances pris lors de mon passage ici, il m'a dit de laisser ma feuille vierge et qu'il la signera comme telle - en clair mes congés 2010, officiellement non utilisés, sont reportés sur 2011: j'aurai donc 45 jours à prendre.

"Tu as du bol, c'est Pat Robertson qui paie", m'a-t-il dit.

samedi 4 décembre 2010

Recadrage

C'était plié du moment que je suis rentré dans le bureau de Pat Robertson. A peine descendu de l'avion, j'ai été rapidement et fraîchement sermonné sur le fait qu'il aurait du savoir avant tout le monde que j'avais l'intention de rempiler, que j'avais été gracieusement prêté pour une durée déterminée et que non, il avait bien trop de choses bien trop importantes à faire qui requéraient mon concours au QG. Rien à foutre de mes arguments, des besoins des autres services: pas de négociation. J'ai vécu des moments plus agréables, je n'en menais pas large du tout. Il a fallu encaisser la démonstration d'autorité en serrant les dents. N+1 était là aussi, jouant le bon flic pour contrebalancer le mauvais flic, mais il n'a pas été super utile.

Il m'a quand même donné le choix. Rentrer au premier janvier, et reprendre le cours normal des choses, ou rester un peu plus à Dakar et me chercher un autre poste quand je voudrai rentrer - vu que, ne pouvant pas attendre, il devra recruter quelqu'un d'autre pour prendre ma place. Je n'ai pas osé soulever que les recrutements étaient gelés et que même s'il pouvait, ça lui prendrait bien trois mois au moins: j'avais comme une intuition que ce n'était pas le moment de faire le malin. Si le mec qui bluffe a un flingue, c'est toujours difficile de lui dire "chiche".

Pat Robertson est un trou du cul. Je comprends en partie son point de vue (perdre un gars, c'est perdre du territoire dans la fosse aux requins), et il n'est pas payé non plus pour me faire des fleurs. D'un autre côté, je l'aurais mieux pris s'il ne s'était pas accroché à sa ligne "t'es super bon, on a besoin de toi" pour un plus raisonnable "tu ne seras pas remplacé, Dieu veut que tu continues l'expat, négocions".

De là, trois options:
  1. Rentrer en janvier. Ce n'est pas pour me déplaire, le job est sympa, si ce n'est pour la probable ambiance de merde dans les premières semaines au moins;
  2. Voir Christine Boutin et lui demander si comme promis elle a un poste pour moi. Inconvénient: ça la placera en porte-à-faux avec Pat Robertson, et je serai probablement persona non grata au siège pendant quelques années et devrai devenir expat permanent. Mouais;
  3. Recontacter le chasseur de tête qui m'a appelé il y a deux semaines et leur dire d'aller tous se faire foutre.
Les trois se valent - avec probablement une préférence pour le un, qui n'est finalement qu'un retour au scénario de base et me laisse le temps de calmer les choses et préparer les options 2 ou 3 sans partir sur un clash. Je peux aussi essayer de sauver la face et lui demander, puisqu'il pense tant de bien de moi, de valider une super évaluation en fin d'année (là, j'arrive pas à savoir s'il prendra ça comme de la provoc' ou comprendra le besoin qu'il a de faire un geste - je suppose que ça dépendra largement de la nature de son bluff).

Bref - journée de merde.

jeudi 2 décembre 2010

Démocratie

"Ceux qui nous donnent de l'argent nous ont demandé de faire la démocratie". C'est apparemment en ces termes qu'un général centrafricain a un jour annoncé à la TV que le régime se mettait au multipartisme et aux élections libres.

Ici ça fait deux jours qu'on attend le résultat des présidentielles ivoiriennes, dont la proclamation a déjà été repoussée deux fois. On a quelques Ivoiriens chez nous, qui apparemment se font passer les résultats des bureaux de votes par SMS et tiennent un décompte fantôme. Il semble que Ouattara ait gagné à la fois dans le Nord et le Sud, chez les Musulmans comme les Chrétiens. Sauf que Simone Gbagbo aurait déclaré à son futur ex-président de mari "si tu reconnais la défaite, tu n'es pas un garçon".

J'écris ça un peu comme une note en passant, histoire de comparer avec les évènements qui ne manqueront pas de se dérouler dans quelques jours. J'avoue que je n'ai pas trop d'opinion, mais avec la récente victoire d'Alpha Condé en Guinée il y a deux semaines (son opposant avait quand même eu 44% des voix au premier tour, contre 18% pour A.C.), je suis sceptique.

In other news: le Président Wade a récemment fait passer une loi pour interdire l'usage des téléphones portables lors des décomptes de voix, justement. Quant à la docteur qui a fait une déclaration à la Cour constitutionnelle (censée statuer sur la possibilité pour le Vieux de se présenter à un troisième mandat) pour témoigner de ce qu'il était atteint d'au moins quatre maladies graves (dont une débilitante), elle a été arrêtée et placée en garde à vue ce matin.

Gérontocratie

Je viens de finir un très bon bouquin intitulé Géopolitique de l'Afrique (Ph.Hugon, éd. Armand Colin, 2010), où l'on parle de (non-)développement et notamment de ce que l'auteur appelle une économie de rente. En clair, les entreprises d'État (et surtout l'État) sont là pour engraisser ceux qui en détiennent les commandes, pas pour prospérer et participer à l'accumulation collective de richesses. Ce qui fait qu'on a des gens très bien placés mais pas forcément compétents à la tête de nombreux services, et qui sont pour le surplus franchement inamovibles.

On a eu l'occasion de rencontrer un tel individu en Afrique centrale. Installé par Papa, il a su rester aux commandes de son pré carré lorsque le Fiston (qu'il a surement un jour tenu sur ses genoux) a pris les rênes. Bien connecté, il doit avoir dans les 80 ans passés (ce qui, dans la région, n'est pas donné à grand monde et mérite un certain respect). 

Nous sommes donc allés voir ce monsieur parce que, justement, il était au sommet, a priori connecté, et pouvait du coup peut-être faire avancer la Cause en nous présentant à la bonne personne. Pas de problème nous dit-il en substance, il connaît bien Deng Xiaoping et peut volontiers arranger cela pour lui. Ca sera réglé sous huit jours!

On repart tous contents, en promettant d'appeler la semaine suivante. Ce que l'on fait. Et là, réponse énorme du vieux crouton: "Pourquoi vous m'appelez à l'improviste? Ca fait des années que personne de chez vous n'est venu me rendre visite - comment va Deng Xiaoping?"

Du coup, on a préféré laisser tomber.

mardi 30 novembre 2010

La politesse ne paie pas

Sitôt le principe d'une extension de mon séjour sénégalais accepté ici, j'ai voulu passer un coup de fil à mon ancien n+1 européen pour lui annoncer que je serai vraisemblablement un peu en retard. Il a dit que ça l'embêtait évidemment, mais qu'il était passé par là et qu'il comprenait. On a raccroché en étant bien d'accord que c'était un appel totalement informel et de politesse, qu'il fallait respecter les convenances et attendre que Deng Xiaoping (mon n+1) parle à Christine Boutin (n+2), qui transmette la demande à Pat Robertson (n+2 aussi, mais Europe) qui enfin viendrait lui annoncer la mauvaise nouvelle. A vue de nez, probablement encore une semaine d'attente avant de devoir jouer la suprise.

Et puis j'ai reçu cet email deux jours plus tard, laconique: "J'ai parlé avec Pat Robertson, on a vraiment besoin de toi dès janvier. Rappelle moi ou dis-moi quand je peux t'appeler."

La leçon que je retiens, c'est comme pour Wikileaks: tout ce qui est dit de manière informelle un jour pourra être retenu contre vous. Il va désormais falloir jouer serré.

vendredi 26 novembre 2010

Le Djembé

Il m'est arrivé, plusieurs fois, de voir des films dont la bande-annonce était meilleure que le film lui-même. La promesse n'est pas à la hauteur des attentes, et même si le produit fini est correct on repart un peu déçu.

Laissez-moi vous parler aujourd'hui du Djembé. Non, ce n'est pas ce tambour qui fait le bonheur d'abrutis post-ados blancs qui avec leurs dreadlocks pensent être en phase avec la mère Afrique et parlent comme d'une blessure de guerre de la diarrhée chopée pendant leurs trois semaines de sac à dos. Non, le Djembé, plutôt qu'un détecteur de rebelles en carton-pâte, est aujourd'hui un restaurant du Plateau.

La bande-annonce, c'est quand des collègues sénégalais, informés de la Quête, vous indiquent que le thieb dudit restaurant est assez bon. Que vous vous asseyez et que sur le menu on vous annonce non pas la présence de thiéboudiène, mais que l'on peut vous servir -au choix!- du thieboudiène blanc ou du rouge (avec ou sans sauce tomate).

Vous commandez du thieb blanc (la première fois que j'en voyais proposé dans un restaurant), et on vous amène, avant le plat soi-même et comme pour vous mettre l'eau à la bouche, du khojn, le riz grillé du fond de casserole. Dans une deuxième saucière, de la sauce au tamarin.

A ce stade de l'exploration, j'ai cru que j'avais trouvé le Saint Graal.


Et puis vient le thieb à proprement parler, qui est aussi décevant que l'attente était élevée: gout fade, peu de légumes, poisson plein d'arrêtes et dont je ne pourrais même pas jurer qu'il avait du khof (pâte persillée) - si c'était le cas, il n'a pas laissé de souvenir immémorable.


Pour 2'500 CFA on peut difficilement être déçu, mais on n'est pas enthousiasmé. Je reviendrai quand même pour le thiéboudiène rouge.

Le Djembé
Rue Dr.Theze x Carnot
Tél: 33 821 06 66
Ouvert tous les jours.

vendredi 19 novembre 2010

Rempile

J'ai pris mon courage à deux mains et, à l'issue de ma dernière conversation avec Christine Boutin je suis allé voir Deng Xiaoping: je lui ai demandé s'il voyait un inconvénient à allonger mon séjour ici. Ca tombe bien, m'a-t-il répondu en substance, car il voulait justement me demander si je pensais pouvoir rester un peu plus longtemps.

Et puis la demande a commencé à faire le tour de la hiérarchie. Le Bouledogue a donné son accord ce matin; Christine Boutin est bien évidemment en phase; j'ai prévenu de manière informelle mon ancien n+1 que mon avion aurait du retard - reste juste désormais à faire avaler la pilulle à Pat Robertson. Mais a priori, c'est tout bon.

Comme me disait la Voisine, la différence entre un touriste et un voyageur, c'est que le voyageur ne sait pas quand il va rentrer chez lui.

jeudi 18 novembre 2010

Tabaski

Aujourd'hui, dans la série J'ai testé pour vous, nous parlerons de la Tabaski (ou Aïd-el-Kébir pour les 6 milliards de non-Sénégalais). La Tabaski, c'est la fête du mouton, ou plutôt, c'est le jour où l'on fait sa fête à un mouton.

Je passe sur les conneries religieuses: il faut aller lire Wikipédia pour le contexte. Ce qui m'intéressait, outre le désir morbide de voir un pauvre herbivore se vider de son sang, c'était de voir à quoi ressemblait ce bouzin dont Brigitte Bardot fait régulièrement scandale.

Eh bien c'est étonnemment anti-climactique.

J'ai pas dit que c'était pas bien, mais si je dois donner un point de comparaison dans le monde chrétien qui a bercé mon enfance, c'est probablement Noël (sans les cadeaux): on mange beaucoup et en famille, les rues sont plus vides qu'un dimanche d'hiver à Kuujjuaq, et les ados qui sont à table n'ont qu'une envie: quitter les discussions adultes pour aller s'enfermer dans leur chambre.

Après
Et ah oui, et aussi un pauvre herbivore se vide de son sang.

En fait d'abord les hommes vont à la prière, genre vers 9h du matin. J'ai jamais vu autant de monde, avec des sections de rue parfois bloquées. Ca dure 5 minutes, puis l'Homme rentre chez lui, enlève son boubou pour un truc plus confortable (genre training), et on emmène le mouton dans la cour ou le garage, où un trou est habilement disposé (ou creusé).

Et là pas de chichis religieux ou je ne sais quoi. Un gars payé pour ça arrive (je pensais que le meurtre rituel faisait partie du boulot de chef de famille: on m'a regardé comme si j'étais le dernier des barbares), on coince le mouton près du trou et zouip, gorge tranchée. Le sang coule pendant 30-40 secondes et c'est fini. Après il s'agit juste de dépecer le bestiau comme la photo ci-contre l'indique, et d'offrir des morceaux aux parents et alliés. On commence par faire griller le foie, qu'on mange en apéro vers 11h, puis les côtelettes grillées sont servies vers 13h au cours du repas (avec dans notre cas une salade d'endives et des pommes dauphines, bonjour l'exotisme).

On se pose ensuite dans le salon pour boire un café, regarder la télé, discuter, dire du mal des absents: bref, on zone en famille. Une journée plutôt relax, somme toute.

mardi 16 novembre 2010

On rase gratis!

Avant
Demain mercredi c'est la Tabaski, ce que d'autres peuplades n'ayant pas la chance d'être sénégalaises appellent plutôt la fête de l'Aïd-el-Kebir. Des moutons pleins les rues faisons holocauste, et après grosse fête!

Et du coup comme à chaque fois que des quantités obscènes de sang sont versées (il y a vraiment beaucoup de moutons), mercredi c'est jour ferié. Jusque là rien qui sorte de l'ordinaire.

Mais le Président Wade, dans sa grande sagesse et bonté, a décidé qu'en fait ce serait bien si jeudi était férié également. Aussitôt dit, aussitôt décrété!

Apparemment il fait ça tout les ans, mais le décret sort toujours à la dernière minute (on l'a appris à midi) pour que les gens soient vraiment contents. Malin.

lundi 15 novembre 2010

Le dossier

J'ai découvert cette semaine que Deng Xiaoping élaborait patiemment un dossier à charge. Pas contre le management ou son employeur (ça c'est bibi qui s'en occupe), mais contre le Président Wade. C'est assez particulier dans la mesure où Deng ne parle pas de politique, n'a jamais été encarté, même dans sa jeunesse, et que ce dossier n'est visiblement là que pour son divertissement personnel.

Chaque jour ou presque donc, en tout cas dès que la présidence commet une nouvelle énormité digne de la première page des journaux, Deng photocopie, découpe et colle religieusement de nouvelles pièces pour son dossier.

C'est un hobby comme un autre.

samedi 13 novembre 2010

The Endless Summer

Nous sommes mi-novembre, la mer est encore à 26°, un bon swell nous arrive et je passe mon après-midi à surfer. Nous sommes 4 ou 5 à attendre la prochaine vague, je rencontre par hasard celui dont j'ai racheté la planche en dépôt-vente. L'ambiance est détendue, comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement.

J'ai le talent et la flottabilité d'une clef à molette. Mais finalement ce n'est pas très grave. Ce qui compte, c'est d'être dans l'eau, de voir une belle vague et, si quelqu'un d'autre la prend, c'est bien aussi.

vendredi 12 novembre 2010

Le Yakkalma

Je crois que je commence à avoir fait le tour des restaurants des Almadies. S'ils sont généralement très corrects (le Jardin), bien qu'un peu pompeux (le Mogador), on se dit que comparés à ce qu'on trouverait en Europe, pour le prix c'est une super affaire (quoique parfois ça se discute).

Mais quand un restaurant pour toubabs se spécialise en nourriture sénégalaise, on finit toujours par se demander, considérant les coûts locaux, si on ne paie pas surtout pour le décor. Ainsi va du Yakkalma, qui est pourtant un modèle de ce qu'un thieb doit offrir:
  • du poisson avec du khof, pâte persillée dont il est en partie fourré;
  • du riz cassé, avec un peu de khojn, le riz qui a grillé au fond de la casserole;
  • des légumes, forcément, dont le diakhatou, un croisement entre la tomate et l'aubergine, au goût horriblement amer et que personne, à ma connaissance, n'apprécie. 
Fun fact: la superstition locale dit que seuls refusent de manger du diakhatou les démons et je ne sais quels types d'individus magiquement pas fréquentables. Du coup, tout thieb qui se respecte en a, et tout le monde en prend un bout (pour les producteurs de cette infamie gustative, c'est probablement le meilleur coup marketing de tous les temps).
    Donc voilà, le thiéboudiène du Yakkalma est bon, il a tout ce qu'il faut là où il faut. On regrette juste qu'à 6'500 CFA la portion à emporter ce soit, encore une fois, un tarif de toubabs. Mais si on y reste, le décor est sympa.

    Le Yakkalma
    Route des Almadies, 200m avant le Méridien
    Tel: 33 820 6061
    Ouvert midi et soir.

    jeudi 11 novembre 2010

    Les expats

    L'idée qui semble dominer en Occident (en tout cas je l'avais un peu avant de partir), c'est que les expats sont un peu comme des parachutistes: largués en milieu hostile, ils survivent et réussissent grâce à leurs compétences supérieures et leur leadership exceptionnel, qui leur permet de mener au pas de charge des indigènes ingrats et indolents vers des lendemains qui chantent.

    Je me demande s'il n'y a pas une exception avec nos toubabs. Exemples choisis de la semaine:

    1. On a des problèmes avec la police locale pour une histoire d'amende - jusque là rien de grave, tout le monde  prend un jour une amende. Sauf que le Bouledogue, leader éclairé qu'il est, a peur de devoir demander une rallonge à son Chef, là-haut, qui lui a dit que les temps étant durs, il fallait couper les budgets. Du coup, l'amende est tranquillement en train de glisser vers le statut de refus d'obéissance à l'autorité ou je ne sais quelle infraction caractérisée qui fait qu'au final, on paiera une autre amende pour ne pas avoir réglé la première amende.

    2. On a des problèmes avec la douane locale parce qu'un de nos expats, qui s'occupe des fournitures, s'est trompé en remplissant un formulaire. Jusque là rien de grave, tout le monde se trompe une fois dans les formulaires. Sauf que pour lui c'est la deuxième ou troisième fois (avec autant d'amendes subséquentes), et qu'il ne parle toujours pas français après deux ans ici à, figurez-vous, remplir des formulaires en français.

    3. Un responsable pays, membre de l'équipe de direction, s'en va; il part enfin retrouver sa femme, son Home Sweet Home hispanique et un poste en Europe. Ses troupes ici l'aimaient bien: il se pointait à 11h le matin, partait à 15h et, en fin de compte, ne leur demandait que de lui trouver des putes pour meubler son week-end. Histoire de la jouer local le Bouledogue, en leader éclairé, a proposé à l'un de nos indigènes de grade similaire de le remplacer: sauf qu'il ne sera pas augmenté (alors qu'un expat est autrement plus cher qu'un local), ne fera pas partie du comité de direction, et en plus devra gérer une équipe qui, comme indiqué plus haut, n'était jusque là pas évaluée sur sa capacité à faire ce pour quoi elle était officiellement payée.

    Bizarrement, notre indigène a refusé de travailler plus pour gagner autant. Ingrat.

    mercredi 10 novembre 2010

    Premières

    Je suis allé à la plage dimanche avant de partir, et j'ai chopé des puces. C'est une première (et ça pique).

    A Bamako, on a pris un taxi pour aller manger un bout en ville, et sur le chemin du retour celui-ci nous annonce, à 100m de l'hôtel, "Je cw'ois que je vais manquer de ca'buwant". Effectivement, la voiture s'est arrêtée cinq secondes plus tard, tout net. On l'a payé et on est rentrés à pied: c'est une première.

    On vient de se taper trois jours à l'hotel, à attendre un meeting avec un gars qui avait oublié qu'il devait nous rencontrer hier. Le temps qu'il trouve un billet pour nous rejoindre (il est d'ailleurs parti en voiture, au final), on était dans l'avion du retour. C'est aussi une première.

    dimanche 7 novembre 2010

    Plus égal que d'autres

    Arrivés à Bamako, on débarque au Radisson - le seul hôtel qui ne soit pas (encore?) géré par des Libyens, et donc potable. Même les mecs du Sofitel y restent, paraît-il. L'Oncle Bens et moi récupérons nos clefs, et zou on file prendre possession de nos quartiers.

    Première surprise: on m'a upgradé en suite business. Il n'y avait apparemment plus d'autres chambres de libre. L'Oncle Bens, lui, est relégué dans un cagibi de la taille de son lit. Un cagibi luxueux certes, mais quand il voit à quelle enseigne je suis logé il appelle la réception et demande à changer.

    Impossible monsieur, toutes les chambres sont prises. -Et pourquoi avez-vous attribué le surclassement à mon collègue de Galaup plutôt qu'à moi, qui me suis enregistré le premier? -Parce qu'il avait un nom de blanc.

    L'Oncle Bens est rentré dans une colère, euh, noire, et moi je ne savais plus trop où me mettre; du coup, j'ai préféré ne rien dire et aller me coucher (j'aurais aussi pu, par solidarité, lui lâcher ma suite, mais bon il ne faut pas déconner non plus).

    Le Terrou-bi

    Aujourd'hui on part pour le Mali, et pour changer l'avion est annoncé en retard à l'embarquement - 3h, c'est presque une paille, mais c'est assez pour que l'Oncle Bens et moi fassions demi-tour et retrouvions nos cases respectives.

    Il est 15h30, j'ai faim. La Voisine était malade la nuit dernière, du coup le petit-déjeuner a été léger et tardif, des envies de nourritures plus consistantes me prennent. Ca tombe bien, au Sénégal on mange aux alentours de 13h-13h30, mais le dimanche on traîne et se mettre à table à 15h n'est pas inhabituel.

    Je suis dans les temps, j'ai envie de thiéboudiène.

    J'essaie une ou deux gargotes du quartier, sans succès. Les Almadies, avec sa population de toubabs qui semblent parfois ne connaître de la gastronomie locale que le mérou grillé, ne sont pas le meilleur endroit pour se restaurer honnêtement. Mon envie grandit, ma faim aussi - elle devient obsession: je ne veux plus tant découvrir un thieb qu'en manger un, et vite.

    Je mets le cap sur le Terrou-bi.

    Le Terrou-bi (de Terrou, substantif désignant l'accueil, comme dans Teranga, et -bi pour l'article défini qui en wolof se place à la fin), c'est le meilleur hotel de Dakar, point. Cinq étoiles, ambiance tranquille, personnel compétent et, surtout, surtout le restaurant gastronomique qui est la meilleure table de la ville. Bon, ok, le Radisson a une plus jolie piscine, mais leur bouffe ne dépareillerait pas dans un bed&breakfast. Au Terrou-bi, c'est tellement bon qu'on se demande pourquoi on ne paie pas plus cher. En plus, je sais de source sûre que leur restau "normal" (pas le gastro, donc) sert du thieb midi et soir, 7 jours sur 7. La grande classe, je m'y précipite.

    Et je ne suis pas déçu. Tout y est, tout est cuit à la perfection, tous les légumes y sont, le riz est parfait, le poisson excellent. 6'500 CFA certes, mais on a vu plus cher ailleurs et parler d'argent ici est de toute façon complètement déplacé: le jour où je ferai ma finale des meilleurs thiéboudiènes de Dakar, il est entendu que les concurrents ne pourront rêver, au mieux, que de la deuxième place.

    Le Terrou-bi / Restaurant la Fleur de Sel
    Route de la Corniche Ouest
    Tel: 33 839 9039
    Ouvert 7j/7

    jeudi 4 novembre 2010

    Les expates

    Les expates. La trentaine, intelligentes, indépendantes. Une carrière qui roule, elles ont déjà vu du pays, et rarement les endroits les plus tranquilles. Constituant une solide majorité du middle management des ONG et agences onusiennes, ce sont des femmes de caractère, des femmes de tête qui accumulent les contrats précaires (l'ONU n'as pas de sous, les ONG on n'en parle pas) comme les artisans de Soumbedioune accumulent les perles sur leurs colliers moches. Elles sont fortes, elles ont conquis les camps de réfugiés africains, les bidonvilles d'Asie, elles sont prêtes à faire ce qu'il faut, aller là où il le faut dès qu'on le leur demande. Logiquement avec un tel rythme de vie, les expates sont souvent célibataires.

    L'expate n'est qu'à moitié contente d'avoir eu tout ce qu'une Femme moderne pourrait sembler souhaiter, essentiellement parce que la Femme moderne reste soumise à la dictature de son horloge biologique. Soyons honnêtes: combien d'hommes sont prêts à laisser tout tomber pour suivre une fille qui vit de contrats annualisés, bien payés en regard de la situation locale, mais sans plus quand il s'agit de rentrer dans le Premier monde? L'expate cherche donc la seule chose qu'elle ne peut avoir: se caser. 

    On en revient à un monde d'hommes. Ceux-ci, joie d'un certain déterminisme génétique, ont tendance à vouloir sauter (sur) tout ce qui a des nénés. L'expate, à moins d'avoir la quarantaine bien sonnée ou d'être dotée d'un physique de lesbienne des années 90, est plus exigeante: éduquée, il lui faut un homme capable de lui faire la conversation (les locaux, à 40% analphabètes, sont en grande partie hors-jeu) et de préférence pas trop branché polygamie et machisme style années-cinquante-je-me-gratte-les-coucougnettes-en-public-et-je-n'aide-jamais-à-la-maison (les susdits locaux étant là aussi doublement hors-jeu). Avec ces paramètres en tête, on ne s'étonnera plus que le nombre de Sénégalais qui se tapent des blanches soit incroyablement bas.

    C'est une évidence quand on y pense, mais il a quand même fallu que la Voisine me parle de certaines de ses copines ici (éduquées, pleines de caractères, célibataires et visiblement en demande) pour qu'un sentiment diffus devienne une certitude.

    Sous ces tristes tropiques, I'm hot material.